Du rêve de Pierre Dulaine de faire danser ensemble des jeunes Israéliens et Palestiniens est né Dancing in Jaffa. Un documentaire sans préjugés.
«M’accorderez-vous cette danse, s’il vous plaît ?» Main tendue en signe d’invitation, tête légèrement inclinée, sourire engageant, Pierre Dulaine, élégant septuagénaire en costume-cravate, se présente à Noor, 11 ans, survêtement et basket, yeux baissés, un peu intimidée. Cette scène de Dancing in Jaffa. a été tournée dans une école élémentaire de la ville israélienne. L’ancien danseur professionnel y applique le programme qu’il a créé, en 1994, à New York : les Dancing classrooms. Son objectif? Initier des enfants aux danses de couple pour leur apprendre la discipline et le respect de soi et des autres.
Un vrai défi
Né à Jaffa, d’une mère palestinienne et d’un père irlandais, Pierre Dulaine n’y était pas revenu depuis 65 ans. Organiser les Dancing classrooms dans sa ville natale, c’est un retour aux sources et la concrétisation d’un rêve : faire danser ensemble des Israéliens et des Palestiniens âgés de g à12 ans pour rapprocher les communautés. Pierre Dulaine convainc cinq écoles (deux juives, deux arabes et une mixte) et 150 enfants de participer.
«Faire accepter cette idée à des élèves de cet âge a été un vrai défi. Les garçons et les filles sont timides entre eux, raconte-t-il. Et le fait de mélanger les différentes communautés rendait la démarche encore plus difficile. Les parents étaient très réticents à l’idée que leurs enfants dansent ensemble. » Gêne, résistance à se toucher, les débuts sont fragiles. Mais pas de quoi entamer la détermination de Pierre Dulaine, personnalité truculente.
« Quand une porte se ferme, Dieu ouvre une fenêtre pour moi », a-t-il coutume de dire. Grâce à son obstination et à sa générosité, la confiance s’installe, les railleries cessent, les gamins se laissent embarquer dans l’aventure. Après dix semaines, 84 enfants sont sélectionnés pour prendre part à un concours entre établissements scolaires.
C’est cet épanouissement, cette ouverture à l’autre, cette métamorphose que. la caméra de la réalisatrice Hilla Medalia saisit au fil des semaines. Merengue, rumba, tango, les apprentis danseurs enchaînent les pas, gagnent en assurance et en complicité. Les corps se décrispent, la joie se dessine sur les visages.
« Les enfants comprennent que la danse, au-delà des pas, est une posture, une attitude de confiance devant la vie », souligne le professeur. Mettre ses pas dans ceux de l’autre, évoluer au même rythme, accueillir l’attention, l’énergie, la bienveillance que son partenaire a à offrir: la danse est décidément un formidable moyen de communication.
Un triomphe à Tel-Aviv
Près de trois ans après le tournage du documentaire, le programme continue à Jaffa. Pierre Dulaine est convaincu que changer les préjugés des enfants permet de travailler pour l’avenir. D’ailleurs, il n’est pas près d’oublier le triomphe qui a suivi. la première projection du film dans un cinéma de Tel-Aviv devant plus de 500 spectateurs israéliens et palestiniens..« Les. enfants sont devenus amis pendant le tour nage. Jose espérer que, plus tard, ils apprendront à leur tour la tolérance et le respect de l’autre à leurs propres enfants. » Une belle leçon d’amour et d’humilité.
Cet article a été écrit par CLAUDINE COLOZZI du magazine de batisseusesdepaix.fr